Rouyn-Noranda, le 9 février 2022 - Dans le cadre d'une remontée dans le temps d'approximativement 400 à 500 ans, le professeur Miguel Montoro Girona du Groupe de recherche en écologie de la MRC Abitibi (GREMA) de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT, campus d'Amos), pilote un projet en collaboration avec Hecla Québec. Ce dernier reconstruira le plus long historique de la région visant à mieux comprendre les perturbations des forêts et leur résilience aux changements environnementaux grâce à la récolte de billes de bois submergées dans les lacs de l'Abitibi-Témiscamingue. De plus, cette étude permettra, pour la toute première fois au Québec, de décrire les impacts de la drave sur les communautés aquatiques.
« Il est essentiel de comprendre comment les forêts ont réagi aux perturbations du passé pour mieux comprendre de quelle façon les écosystèmes forestiers réagiront face au plus grand défi de l'humanité : les changements climatiques. Les billes de bois transportés à l'époque par la drave et qui se sont retrouvées au fond des lacs représentent une occasion unique de reconstituer les perturbations forestières de l'époque préindustrielle », souligne le professeur à l'Institut de recherche sur les forêts (IRF) de l'UQAT, Miguel Montoro Girona.
En effet, si les approches dendrochronologiques (étude des cernes de croissance) font partie des principaux outils utilisés pour reconstruire les régimes des perturbations naturelles et anthropiques, il s'avère toutefois difficile d'effectuer une aussi longue remontée à partir des arbres qui se trouvent présentement en forêt. « La principale raison de ce manque de recherche est la difficulté à trouver des échantillons aussi anciens , puisqu'une grande partie des forêts primaires a été coupée au cours des deux derniers siècles et que nous sommes limités à la durée de vie des arbres. En effet, il est difficile de connaître le réel impact de la foresterie sur la forêt préindustrielle, car la majorité des peuplements d'aujourd'hui sont le résultat des activités forestières et ne sont donc pas représentatifs des forêts primaires », mentionne le professeur. Alors qu'un nombre important de billes transportées se sont retrouvées au fond des lacs dès le début des coupes forestières, ces dernières ont pu être préservées de par la couche d'eau où elles se sont retrouvées (sous la thermocline), qui est d'une température constante de 4 degrés ainsi que dans des conditions où la quantité d'oxygène est réduite.
Afin de construire cette série temporelle de 4 à 5 siècles, les chercheurs du GREMA analyseront ainsi les cernes de croissance de plus de 3 000 échantillons d'arbres récoltés dans les lacs. Diverses analyses seront effectuées et permettront de reconstruire l'histoire des perturbations en fournissant des informations telles que les incendies (grâce à l'analyse des cicatrices de feux) ainsi que les épidémies d'insectes (par l'observation de la réduction de la croissance d'au moins 5 années consécutives), et des patrons et critères sylvicoles des coupes forestières.
En ce qui a trait au deuxième volet, qui sera piloté pour sa part par le professeur Guillaume Grosbois du GREMA, les lacs historiquement fortement impactés par la drave contenant une grande quantité de billes de bois seront échantillonnés pour les comparer avec des lacs non affectés. La quantité de billes de bois laissée au fond des lacs sera estimée afin de pouvoir évaluer leur impact potentiel sur la qualité d'habitat des communautés aquatiques. « Les débris ligneux peuvent fournir des habitats précieux en rivières et en lacs pour les invertébrés aquatiques. Toutefois, l'accumulation des débris peut occasionner l'apparition de zones sans oxygène qui contribuent à leur dégradation », conclut le professeur Grosbois.
Cette recherche, qui s’échelonnera jusqu’en 2024, sera menée en collaboration avec les professeurs de l’UQAT, Yves Bergeron et Fabio Gennaretti, le chercheur à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Victor Danneyrolles, le professeur à l’Université du Québec à Rimouski, Dominique Arseneault, ainsi que le professeur à l’Université du Québec à Chicoutimi, Hubert Morin. Finalement, ce projet est rendu possible grâce à la contribution en argent et en nature d’Hecla Québec de 82 000 $.
Nathalie Cossette
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